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28 février 2013 4 28 /02 /février /2013 21:50

 

Notes sur Catherine Millet et  Roman Polanski ( Lune de Fiel)

 

Extraits du journal de Claude Lizt 2011

 

Dans un entretien à Rue 89 dans le numéro annuel 2011 sur la sexualité (Entretien reproduit et transformé en « Entretien imaginaire avec Claud Lizt, » sur le blog ) Catherine Millet dit : « Mon corps, ce n’est pas moi ! »

 

Elle - :  Il y a là une différence fondamentale et indépassable : en ce qui concerne une foule d’autres femmes et sans doute quelques hommes aussi : « mon corps, c’est moi ! » Si le vôtre est un objet quasi utilitaire dont vous faîtes vous-même un usage utilitariste, vous ne voyez, c’est clair, pas de gros inconvénients à prêter aussi cet objet si disponible à quelques autres, de passage, d’autant qu’il n’est bien évidemment pas exclu que vous en retiriez quelques jouissance. Votre corps, objet utile, sert à jouir, à s’offrir du plaisir, à soi,  à d’autres, à un autre aimé à qui on a donné son corps, engagement somme toute limité puisque ce corps, ce n’est pas soi… Voilà qui éclaire sous un jour tout à fait particulier la question du sexe et du rapport à son corps et à celui de l’autre, puisque que se sont là des objets à produire autant de plaisir que possible physiquement -capacité du corps-et tous plaisirs. De là à imaginer que ce serait une posture enviable, une attitude moderne, une solution éclairée pour résoudre les questions des rapports sexuels, il y a un monde… de perplexité, pour ne pas dire que cela peut très précisément apparaître comme une incomplétude de l’être, une possession partielle de sa propre identité, une dichotomie pathologique ou du moins bien spécifique : un handicap de la relation à soi et de la relation aux autres… Que vaut en effet, eu égard à la rencontre de l’autre, cet échange utilitariste des corps ? Le temps à la disposition de l’individu pour approcher l’autre, jouir de cette rencontre et se donner du plaisir étant somme toute limité, quelle est la valeur de ces rencontres en série, qu’apporte cette manière utilitariste de se servir de l’autre pour jouir ? Une acception plus exigeante de la rencontre de l’autre, de lui vraiment incarné dans son corps, dans un corps à corps qui entraine aussi l’esprit, l’intelligence, la sensibilité, le désir de connaître l’autre et de se connaître soi-même à travers l’autre aussi pourrait présenter quelque intérêt plutôt que ce rut indifférencié quad bien même il serait allégeance à un maître adoré : ne vaudrait-il pas mieux lui donner alors un corps qui serai moi ?

 

 

 

Note sur  Lune de Fiel, film de Polanski.

 

Elle -  Je suis être extrêmement frappée de ce que vous avez tiré du film de Polanski, Lune de Fiel, à savoir que, pour un homme, la scène qui provoque à la fois le sommet de l’horreur et le sommet du plaisir est celle où l’homme, cloué à son fauteuil, entend sa femme râler en faisant l’amour avec un autre homme, à côté.  Je ne comprends pas comment il peut en être ainsi…

 

Lui - Je vous rappelle la proposition de base : ce qui fait le plus jouir, est ce qui fait le plus horreur dans le réel. On pouvait alors se poser la question symétrique et se demander : qu’est ce qui fait le plus horreur à la femme ?

 

Elle - Etre entièrement asservie à l’homme…

 

Lui - Par conséquent, par exemple, pouvoir être donnée par un homme à un autre. Ne pourrait-on dire que c’est cela qui lui donne le plus de plaisir ? Il apparaîtrait donc bien que, pour les deux c’est : donner sa femme à baiser par un autre qui la fait jouir, se faire donner par son homme à d’autres, qui apparaît à la fois comme l’horreur suprême et le plus grand plaisir.

Cela peut être relié très simplement à la castration. La castration du fils consiste à l’empêcher de faire l’amour avec sa mère : la scène la plus horrifiante et la plus jouissive est une réminiscence de la scène primordiale où il a entendu sa mère jouir de son père. La femme qu’il donne à baiser est sa mère et l’homme à qui il la donne est son père.

De son côté à elle, la castration consiste à ce que le père la refuse comme objet sexuel, et par conséquent la jette sur le marché des femmes, la donne à un autre homme, c’est là encore le résultat de la castration. La castration par le père qui fait à la fois le plus horreur et le plus jouir.

Il y aurait donc unité des deux processus.

On pourrait néanmoins faire remarquer qu’elle jouit de l’asservissement total uniquement dans l’imaginaire, alors que l’homme est ici supposé jouir de la scène réelle.

Bien évidemment, nous sommes ici dans le cas de quelqu’un qui, pour jouir, a voulu faire basculer dans le réel ce qui, chez un autre serait resté dans l’imaginaire : la jalousie due au fantasme de la plus belle queue. C’est ainsi qu’on peut relier l’imaginaire masculin qui fait jouir à cette scène.

Il est incontestable qu’un imaginaire jaloux de ce type, « un magnifique géant  à la queue énorme qui donne tellement plus de plaisir à votre belle qu’il asservit et vous prend », il faut reconnaître que cet imaginaire stimule le désir et probablement amplifie le sentiment de plaisir que donne la position olympienne.

De même que pour elle, amplifie incontestablement le plaisir le fait de se : « donner, abandonner », et de s’approcher ainsi de l’asservissement total où elle serait donnée à d’autres. Néanmoins, selon elle, le passage  au réel, comme chez C.M., est pathologique et signe un bilan d’insatisfaction de la phase où ce plaisir n’est qu’imaginaire, de la phase de centration.

 

Lui en convint : le passage au réel pour l’homme est aussi pathologique en ce sens seulement : il n’a pas truvé le plaisir quand cela restait dans l’imaginaire.

 

Que la scène pour la femme se situe dans le monde réel, c'est-à-dire que l’homme la donne effectivement à d’autres, fait qu’il prend la figure du père castrateur et qu’elle ne peut donc plus jouir de lui, elle ne peut jouir que des hommes qui viennent sur le marché des femmes dans lequel il l’a rejetée. Ce qui d’ailleurs fragilise évidemment sa relation avec lui, et donne raison à son angoisse qu’elle le quitte, précisément avec l’un de ces beaux fouteurs.

La deuxième remarque, c’est que chez l’homme qui passe par la réalité, et ils y passent tous les deux ou aucun des deux, ça peut s’analyser comme être resté en enfance, puisque ce qu’il veut c’est entendre papa et maman faire l’amour.

Il rappela néanmoins la scène intermédiaire entre l’âge adulte, où ceci ne se jouait que dans l’imaginaire, et l’enfance de la scène primitive, une scène à l’adolescence où le son de la femme jouissant avait plongé le jeune homme dans un ravissement.

Et c’est sans doute la mémoire de ce ravissement qui, dans l’imaginaire cette fois, exprime cette proximité à la scène primordiale et le plaisir qu’elle engendre, quand on (imaginairement) se trouve dedans, dans le rôle de l’acteur, dans le rôle du père.

 

Amour et plaisir

 

 Elle - C.M. fait une deuxième coupure frappante, liée à la première : être/corps, c’est : amour/plaisir. La thèse de la coupure amour/plaisir est qu’on n’aime pas nécessairement l’autre qui vous donne du plaisir. On peut avoir du plaisir sans aimer. Ce qui n’exclut pas d’avoir du plaisir de celui qu’on aime. Ceci est rendu possible par la séparation de l’être et du corps. L’amour relève de l’être et le plaisir relève du corps.

La séparation amour/plaisir, appelle comme une explication possible la séparation être/corps, le plaisir relevant du corps et l’amour de l’imaginaire. Une première difficulté est qu’évidemment le plaisir relève du corps ET de l’imaginaire. Et que donc, pour assumer la séparation, il faut considérer que l’imaginaire ne fait pas partie de l’être mais du corps.

Mais il apparaît aussi que la séparation être/corps est plus radicale. Elle ouvre en effet toute une série de possibilités.

La première déjà évoquée est de supporter le viol : c’est le corps qui subit la violence, pas l’être.

Puisque le corps n’est pas l’être, pourquoi pas ne pas l’utiliser pour gagner sa vie par la prostitution, ouvrir les cuisses en regardant au plafond et fumant des cigarettes ?

Puisque le corps n’est pas l’être, l’être peut aimer un autre pour ce qu’il lui demande, de livrer son corps à d’autres hommes. Cas en effet de C.M.

Mais à nouveau, pourra-t-on dire que l’imaginaire qui la fait jouir (à savoir qu’elle est donnée par un homme aimé à un autre bon fouteur, imaginaire qui comprend donc ces deux individus dans ces positions respectives, et elle au milieu) peut être considéré comme faisant partie de son être ou de son corps ?

Evidemment chacune de ces situations, dont elle peut jouir dans l’imaginaire,  ne serait pas dans le réel tolérable à une femme pour qui aimer et plaisir ne font qu’un, car on aime qui vous donne du plaisir, et on aime à en donner. Une femme pour qui par conséquent corps, puisque le plaisir est aussi le plaisir du corps, et être ne font qu’un. Pour une telle femme, viol et prostitution sont des horreurs absolues, ainsi que d’être rejetée physiquement dans le marché des femmes.

Ce n’est que de manière imaginaire, avec son homme magnifique, qui est magnifique en ceci qu’il l’a élue, mais qu’il peut toujours la rejeter dans le marché des femmes, ce qui actionne l’imaginaire, qu’elle jouit.

Clairement, C.M. n’est pas de ce type.

Le franchissement de la barrière qui fait pratiquer dans la réalité le don d’une femme par un homme à d’autres qui la baisent devant lui, on peut montrer que c’est pour les deux une représentation de la castration dont l’approche conduit au plaisir le plus haut.

 

 

C.M. est-elle une femme-homme ?

Elle - Une question qui se pose est de savoir si C.M. est une femme-homme, du moins dans la période où elle couche avec les hommes que lui désigne son mari-amour. On peut tenter d’y répondre en la contournant par la question réciproque : et que peut-on dire de l’homme qui fait cela ? Une première interprétation serait que l’homme qui fait cela est l’homme qui veut reproduire la scène primordiale où il a vu ou entendu plutôt son père baiser sa mère et celle-ci jouir. Il rejoue donc, puisqu’il assiste impuissant à la scène, il rejoue donc la scène de sa propre castration. Tandis que dans cette vision des choses, la femme elle, joue la scène primitive où, rejetée par son père dans le marché des femmes, elle trouve un homme qui la fait jouir. Par voie de conséquence si elle accepte cela, l’homme qui lui ordonne prend la position du père, elle ne peut jouir avec lui. Ce qui rend naturellement fragile son attachement à lui, sauf si l’attachement est fondé sur un imaginaire où elle ne peut jouir que si elle est réellement dans cette situation.

Dirions-nous que cet homme a beaucoup de féminin ?

Oui, si l’on considère que le masculin a comme l’une de ses caractéristiques que son plaisir est de donner du plaisir à l’autre. Dans cette situation il délègue ce côté féminin à un autre. On peut aussi considérer, et cela renforce l’hypothèse de sa féminisation, qu’en faisant ainsi baiser sa femme par un fouteur, il exprime le désir d’être lui-même baisé ainsi. D’où la figure des films pornographiques, où cet individu, sodomise sa femme mais se fait sodomiser par le fouteur qui, éventuellement auparavant se fait sucer par elle et a un peu foutu sa femme pendant que le premier se branlait. On a donc bien là une variante de la figure fondamentale qui, comme on l’a repéré, est la figure de l’homme qui donne sa femme à d’autres hommes, c’est en effet la figure du père qui donne sa fille aux autres hommes. Ceci pour la fille. Et pour le fils, c’est la figure du père qui baise sa propre mère devant le fils.

C’est ce qui fait dire d’ailleurs que l’homme dans cette situation est resté en enfance.

C’est ce qui fait dire aussi qu’avec la relève de l’adolescence cela va un peu devenir en vérité l’imaginaire qui fait jouir. On est à la place du père en train de baiser sa mère, on provoque désormais soi-même ces sons ravissants.

Le partenaire de C.M, cette figure de l’homme qui rejoue la scène initiale avec le père, se féminise donc. Examinons en quoi C.M. se masculinise-t-elle ? On peut tout d’abord considérer, même si elle ne les choisit pas, que jouissant avec différents hommes, elle se comporte d’une certaine manière comme ayant à sa disposition un marché des hommes, à ceci près qu’il est désigné par lui. Attitude par conséquent masculine.

Mais l’histoire ultérieure de C.M., dévoilée dans son second témoignage, fait état de ce qu’elle devient très jalouse de son mari qui se met à la délaisser et à lui-même aller chasser sur le marché des femmes. Elle prend alors la position de l’homme jaloux qu’il n’avait pas. De l’homme jaloux de ce que sa femme aille sur le marché des hommes. Mais là, il s’agirait plutôt d’une inversion des rôles. Dans ce cas cependant si l’on considère que lui se re-masculinise en cessant de jouir de la voir baisée par d’autres et en allant lui-même en baiser d’autres, elle devrait se féminiser. Elle devrait se féminiser donc devenir une femme-femme, plus féminine et jalouse, et qui ne pratique plus sa polyandrie que pour éventuellement se venger quand elle redevient provisoirement une femme-homme. Dans ces conditions on peut donc conclure que la bonne réponse est qu’elle se masculinise parce que, même si ce marché est désigné par un parmi les hommes, celui avec qui elle ne jouit plus, car il est dans la position du père castrateur, elle est masculine parce qu’elle baise avec  plusieurs hommes. Ensuite, quand il se masculinise elle se féminiserait plutôt.

 

Donner sa femme.  

 

Lui - C’est ce qui expliquerait pourquoi cette scène, l’homme qui amène sa femme à baiser par d’autres, semble tellement importante dans l’imaginaire érotique masculin. C’est parce qu’elle représente la plus grande proximité, pour lui, à la castration puisque c’est une reproduction de la scène primitive, où il assiste impuissant au plaisir de sa mère baisée par son père, et pour elle de la domination, puisqu’elle est refusée par son père et rejetée par lui dans le marché des femmes où les hommes la baisent comme ils veulent. C’est parce qu’elle représente l’extrême proximité de ce qui à chacun fait le plus horreur, que cette scène a cette importance, cette scène ou bien sûr ses avatars, puisque comme les mythes, les imaginaires se caractérisent par des avatars, par des variations.

A cette importance oeuvrent ces avatars dans le plaisir tant féminin que masculin. Sous la forme, pour l’homme de se prendre un instant comme le dieu olympien qui est à la place du père, et qui comme le père baise de plus belle mortelle et la plus jouisseuse qu’était sa mère. Et pour la femme, d’être prise dans un abandon à l’homme magnifique, et dans une telle dépendance du plaisir qu’il lui donne, qu’il pourrait peut-être la rejeter dans le marché des femmes, voire lui demander de se donner à d’autres hommes.

La Femme très Féminine ne peut pas franchir cette limite, mais s’y tient au plus près en s’abandonnant totalement, en se « défaisant » ( « je suis défaite ») sous l’homme magnifique. D’autres femmes la franchissent. Et il apparaît à la discussion précédente que ce sont des femmes-hommes.

Si c’est le cas cependant, il faudra sans doute rajouter que l’évolution presque inéluctable, est soit qu’elle devienne une femme-femme à l’occasion de la « masculinisation » de son homme, soit qu’elle devienne une femme-homme plus affirmée en tant qu’homme, au fur et à mesure que son homme se féminise. Après tout s’il ne la baise plus, pourquoi se contenterait-elle de baiser avec ceux qu’elle lui désigne ? Pourquoi ne chasserait-elle pas pour son propre compte. Et c’est la deuxième évolution possible du cas C.M.

Pour terminer sur ce cas, nous pouvons même imaginer l’inversion presque totale, où le cas C.M. devient une femme-homme qui s’envoie de bons fouteurs et qui fait foutre par eux son ex mari, devenu ainsi une femme à corps d’homme. Quant à la distinction entre celles qui franchissent ou qui ne franchissent pas la barrière, il est apparu dans des notes antérieures de juillet, que dans un cas on avait l’illusion d’être dans une spirale ascendante, et par conséquent profondément satisfaisante. Une vision plus réaliste consisterait à dire que dans cette spirale, il n’y a pas véritablement d’ascension, mais comme on oublie à chaque fois les sommets qu’on atteint, on a l’impression de monter chaque fois plus haut. Alors que dans l’autre évolution, celle où l’on franchit le pas vers le réel, on avait fait l’hypothèse d’une insatisfaction, de la poursuite sans fin d’un horizon qui s’éloigne au fur et à mesure qu’on avance, qui pouvait à ce moment là conduire à rechercher d’autres imaginaires, sadomasochistes par exemple.

Il faudrait se garder toutefois de caractérisation trop normative de ces configurations.

On revient donc à cette thèse que pour toute femme, il existe une barrière  infranchissable entre ce qui, du marché des femmes, peut se rencontrer dans le réel et ce qui ne peut  survenir  que dans l’imaginaire et fonctionner alors comme matière de plaisir. C’est une  véritable barrière évidemment, comme  celle qui existe entre le viol et le plaisir de l’amour. Il se trouve des femmes pour qui cette barrière se situe relativement haut, c'est-à-dire qu’elles ont une acceptation réelle du marché des femmes qui va très loin, qui  peut aller jusqu’à devenir l’esclave au sens physique d’un seul homme, et qui en jouissent. On peut trouver dans ce cas C.M. Mais jouit elle ? Ce n’est pas parce qu’elle pleure en ayant du plaisir, pleurer c’est l’émotion, cela touche peut être quelque chose de malheureux, ou d’extrêmement heureux. Le plaisir en lui même est une émotion, qui n’en appelle pas d’autres.

En comparaison, C.L.-Elle a un niveau extrêmement bas. Ce qu’elle a, très difficilement,  supporté de  l’existence réelle du marché des femmes a été la révélation de son  infidélité, « cela est déjà beaucoup trop et  cela suffit amplement ! » ajouta-t-elle. Tout le reste ne relève que de l’imaginaire.

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